« Total de l’estimation des noirs attachés à la propriété de Saint-Gilles, au nombre de deux cent quatre-vingt-quinze, la somme de quatre cent vingt-huit mille cent cinquante francs. » « Total de l’estimation des noirs de Bernica, au nombre de cent onze, la somme de cent cinquante et un mille sept cent cinquante francs. » Madame DESBASSAYNS cède à ses enfants un patrimoine où sont tragiquement confondus le matériel et l’immatériel, les hommes et les animaux, le quantifiable et ce qui n’a pas de prix : la vie humaine. Vénus, Pompée, Pacape, Généreuse, Adonis, Fidèle, Janvier, Hercule, Léveillé, Parfait, Mercredi, Sénateur, Mardi, Lafortune, Modeste, Caprice, Charlemagne, Fanchin-boiteux, Malo-sourd… elle transmet à ses héritiers une marchandise rationnellement étiquetée. L’inventaire de ses 406 esclaves est-il autre chose qu’une liste de « sans nom » si l’on considère que la lignée a été brisée, le nom des ancêtres effacé ? Joseph MORIZOT ne donne pas de nom mais il donne corps, un corps meurtri, aux esclaves qu’il aura sans doute visités dans « l’hôpital » attaché à l’Habitation des DESBASSAYNS, des hommes et des femmes victimes de la violence ordinaire des colons. L’un et l’autre lèguent à la postérité une immense photographie, en Noir et Blanc, du système esclavagiste. Un système, c’est-à-dire une organisation, des pratiques, un discours. A travers ces deux textes, l’esclavage dépasse l’imagerie pour devenir une réalité concrète et douloureusement sensible.
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